Une exposition d’automne à la teinte musicale… une couleur du temps ! La musique et les fleurs ont ce diminutif commun qu’est la composition. À la Galerie Gastaud, Milène Sanchez devient cette compositrice qui joue avec l’espace et le temps. Ses toiles y entrent en résonance avec les oeuvres de Noir Métal qui subliment l’expérience sensorielle en servant d’écrin, de support et d’interlocuteur à la peinture. La scénographie renforce l’immersion poétique, tandis que le contraste de la matière brute change la tonalité globale. Les cloisons, les chandeliers, les chevalets comme des pupitres… agissent telles les percussions dans un orchestre. C’est une étroite collaboration qui influence la coloration et la ponctuation rythmique de l’exposition. Elle devient sonore et magnétique.


Pour Olivier Messiaen, “le temps est un espace, le son est une couleur”. Avec Milène Sanchez, si le temps est aussi un espace, la couleur, elle en joue comme d’une accentuation… comme un éclat tonique qui fait tourner le regard à l’obsession. Soudain, une touche de rose, de jaune ou de bleu… un pistil ou une étamine… provoque l’activation d’une sensibilité synesthésique chez le spectateur. Elle déclenche un phénomène perceptif d’associations irrépressibles : la chronochromie ! Par là, l’artiste nous pousse à prendre conscience du temps de la vie mais aussi celui de la peinture… celui du travail qui se joue loin des regards. Lorsque l’on écoute une musique, lorsque l’on regarde un film ou même lorsque l’on lit un livre… la durée s’impose d’elle-même. Mais avec la peinture, le temps semble s’oublier… s’évaporer comme un fantôme de l’atelier. Pourtant, il faut “mettre du temps dans la couleur”. En retour, il nous appartient de consacrer du temps à la recevoir. Regarder, c’est valoriser la création dans sa pleine durée… mais aussi choisir de se donner librement, à soi-même, le temps d’exister. À travers les fleurs, les corps et les pétales, le spectateur touche à l’abstraction du temps… cette durée insaisissable et toujours en mouvement. Car dans le flou et à travers la transparence du glacis… ces fleurs ne fanent jamais… elles se déplacent au rythme de la lumière. L’artiste ne pétrifie que l’instant fugace du regard… à la manière d’une photographe. Elle met en pause… capture la beauté du silence… cherche l’harmonie comme une transition fragile entre le passé et l’avenir : une vie éphémère suspendue à son geste. Le pinceau se transforme alors en baguette de cheffe d’orchestre… la prolongation de la main de l’artiste comme expression et transmission d’un langage corporel et émotionnel intense.

Huile sur toile, 204 x 165 cm, 2025
Le geste se lit dans la générosité des formes et des dimensions. Les floraisons explosent comme un feu d’artifices au parfum de lys. La lumière jaillit de l’ombre… la nature du métal. L’alternance des petits et des grands formats est une succession d’intervalles à laquelle la mélodie semble se conformer. Elle ne nous laisse pas le choix que d’écouter ce qui se joue dans nos têtes et de nous rapprocher… attirés par la couleur qui suggère tout et n’impose rien au spectateur… que la sensation d’un glissement subtil dans le temps et l’espace… la pulsation envoûtante d’une autre réalité.

Jusqu’au 15 novembre.
Plus d’infos :
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