Jusqu’au 4 janvier 2026, Ruprecht von Kaufmann investit la Haus am Lützowplatz pour une exposition solo intitulée HERBST (automne en français). Car derrière les couleurs vives et luxuriantes, c’est bien à un possible fracas que nous prépare l’artiste… comme une prédiction. Serait-ce déjà l’automne ?.. une saison pour parler d’une ville, d’une époque, qui dansent à nouveau sur les braises pour oublier qu’à chaque instant tout peut s’embraser et basculer… sonner la fin de la fête !

Mimétiques, à un siècle d’intervalle, les années 20 ont une épée de Damoclès au-dessus de la tête… comme ce ciel gris de fils barbelés. L’humeur y est paradoxale entre le plaisir et la crise… le luxe et la misère… la mémoire et l’oubli. Alors, la tentation est grande de se vautrer dans l’extrême illusion ou se noyer dans la débauche et l’insouciance pour ne pas voir venir l’orage. La sexualité y exprime la limite fragile entre l’espoir et le désespoir… ce point de bascule où le corps et l’esprit cherchent à se rassurer et en même temps à s’oublier… se réfugier dans l’amour, s’abandonner dans l’extase et le corps de l’autre comme dans le flot de l’existence. Les personnages obéissent en quelque sorte à leur destin… sans défense mais pas sans violence. Car c’est bien elle qui monte… individuelle et collective. Le regard de l’artiste est cru et sans idéalisme ou séduction… pour saisir la vérité de l’instant… fugace et invisible comme un photographe de rue. Le spectateur de l’œuvre devient ce témoin silencieux… ce passant, ce voisin, ce passager inaperçu. Il devient un personnage à part entière… un habitant du quartier. Il fait partie des murs.

L’artiste exprime à travers la peinture un humanisme brut et sans détours qui rappelle l’expressionnisme allemand (Dix, Kirchner…). Faire prendre conscience ! Il y a ce que l’on voit et ce que l’on intériorise comme la prémonition d’un changement redouté. Brûler sa vie par les deux bouts… de jour comme de nuit… juste au cas où. Pour embarquer le spectateur dans cette exposition, il s’appuie sur le lieu et l’espace. Il suggère l’architecture urbaine et domestique… du métro à la cour d’immeuble…. de la cage d’escalier à la chambre à coucher. Il retrace l’itinéraire possible d’une journée dans la vie de Monsieur tout-le-monde. Il recourt à des formats complexes et des installations qui appuient encore la puissance de cette narration in situ. Il met en scène l’ordinaire dans une théâtralité qui mêle la crasse au sacré… l’underground à la mondanité… le self-porno et la quête du succès. Il n’y a plus classes mais pour pied d’égalité, une même fatalité : l’ivresse des sommets et le vertige de l’existence.

Il met le spectateur face à lui-même… ses ambitions et ses échecs. Il touche au conscient et à l’inconscient… les joies, les désirs, les peurs et les excès. Les scènes sont comme des séquences de films… dont le scénario de fin reste à venir. Tantôt observateur, tantôt voyeur, le spectateur fait partie de cette comédie/tragédie humaine. Il se reconnaît dans tout et malgré tout. Face aux petits portraits individuels, comme autant de solitudes et d’états d’âmes… on retrouve des espaces collectifs où le couple, la société dans son ensemble, devient plus anonyme… indiscernable et redoutable. Les visages se brouillent, se cachent, se déforment… entre l’étrangeté et la familiarité. Difficile de lire leurs intentions derrière leur ambiguïté. La solitude reste prégnante mais elle est habitée… par un “Autre de compagnie”… pour traverser les périls de la vie… pour rester sain et sauf… ou au moins oublier la mort. À moins qu’il nous ignore… dans le vomis, la précarité, le désoeuvrement ou la nudité. L’ “Autre” ne veut pas voir ce qui lui fait peur (surtout en lui-même)… alors, indifférent, il regarde ailleurs ou bien dehors par la fenêtre… ou plutôt sur l’écran de son smartphone. Seul avec tout le monde… comme un poème de Bukowski :
Alone With Everybody
La chair recouvre l’os
et ils y mettent un esprit
et parfois une âme,
et les femmes brisent
des vases contre les murs
et les hommes boivent trop
et personne ne trouve
l’élu(e)
mais continuent
à chercher
à ramper dans et hors
des lits.
la chair recouvre
l’os et la
chair cherche
plus que
de la chair.
Il n’y a aucune chance
du tout :
nous sommes tous piégés
par un destin
singulier.
Personne ne trouve jamais
l’élu(e).
Les décharges de la ville se remplissent
les dépôts de ferraille se remplissent
les maisons de fous se remplissent
les hôpitaux se remplissent
les cimetières se remplissent
rien d’autre
ne se remplit.

Plus d’infos :
https://www.instagram.com/ruprecht_v_kaufmann/
https://www.instagram.com/kristinhjellegjerdegallery/
https://kristinhjellegjerde.com/viewing-room/286/
ENGLISH VERSION
The AUTUMN of Ruprecht von Kaufmann at the Haus am Lützowplatz (HaL)
Until January 4, 2026, Ruprecht von Kaufmann is taking over the Haus am Lützowplatz for a solo exhibition entitled HERBST (autumn in English). Because behind the bright and lush colors, it is indeed a possible crash that the artist is preparing for us… like a prediction. Could it already be autumn?… a season to talk about a city, an era, which dances once again on the embers to forget that at any moment everything can burst into flames and tip over… signaling the end of the party!
Mimetic, a century apart, the 20s have a sword of Damocles hanging over their heads… like this gray sky of barbed wire. The mood is paradoxical between pleasure and crisis… luxury and misery… memory and oblivion. So, the temptation is great to wallow in extreme illusion or drown in debauchery and carelessness to avoid seeing the storm coming. Sexuality expresses the fragile limit between hope and despair… this tipping point where the body and the mind seek to reassure themselves and at the same time to forget themselves… to take refuge in love, to abandon themselves in ecstasy and the body of the other as in the flow of existence. The characters obey in a way their destiny… defenseless but not without violence. For it is indeed this which rises… individual and collective. The artist’s gaze is raw and without idealism or seduction… to capture the truth of the moment… fleeting and invisible like a street photographer. The viewer of the artwork becomes this silent witness… this passerby, this neighbor, this unnoticed passenger. It becomes a character in its own right… an inhabitant of the neighborhood. It becomes part of the walls.
The artist expresses through painting a raw and straightforward humanism reminiscent of German Expressionism (Dix, Kirchner, etc.). To raise awareness! There is what we see and what we internalize as the premonition of a dreaded change. Burning one’s life at both ends… day and night… just in case. To draw the viewer into this exhibition, he relies on place and space. He suggests urban and domestic architecture… from the subway to the courtyard… from the stairwell to the bedroom. He traces the possible itinerary of a day in the life of Mr. Everyman. He uses complex formats and installations which further support the power of this in situ narration. He stages the ordinary in a theatricality that mixes filth with the sacred… underground to worldliness… self-porn and the quest for success. There are no longer classes, but on an equal footing, the same fatality: the intoxication of the summits and the vertigo of existence.
It places the viewer face to face with himself… his ambitions and his failures. It touches on the conscious and the unconscious… joys, desires, fears and excesses. The scenes are like film sequences… whose final scenario is yet to be revealed. Sometimes an observer, sometimes a voyeur, the viewer is part of this human comedy/tragedy. He recognizes himself in everything and despite everything. Faced with the small individual portraits, like so many solitudes and states of mind… we find collective spaces where the couple, society as a whole, becomes more anonymous… indiscernible and formidable. Faces blur, hide, distort… between strangeness and familiarity. It is difficult to read their intentions behind their ambiguity. Loneliness remains pervasive but it is inhabited… by a “companion Other”… to overcome the perils of life… to remain safe and sound… or at least forget death. Unless he ignores us… in vomit, insecurity, idleness or nudity. The “Other” does not want to see what scares him (especially in himself)… so, indifferent, he looks elsewhere or outside through the window… or rather on the screen of his smartphone. Alone with everybody… like a poem by Bukowski:
Alone With Everybody
the flesh covers the bone
and they put a mind
in there and
sometimes a soul,
and the women break
vases against the walls
and the men drink too
much
and nobody finds the
one
but keep
looking
crawling in and out
of beds.
flesh covers
the bone and the
flesh searches
for more than
flesh.
there’s no chance
at all:
we are all trapped
by a singular
fate.
nobody ever finds
the one.
the city dumps fill
the junkyards fill
the madhouses fill
the hospitals fill
the graveyards fill
nothing else
fills.
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https://www.instagram.com/ruprecht_v_kaufmann/