In Vivo – Renaissance du Creux de l’Enfer de Thiers

S’asseoir au bord de la Durolle et suivre la main courante… jusqu’à la queue du diable. Au Creux de l’Enfer… dans le miroir de la passerelle de George Trakas… comme sur la tranche d’une lame de couteau… se reflètent à nouveau le fracas de la rivière et la naissance d’un arc-en-ciel. Comme une vision surnaturelle qui nous rappelle la légende selon laquelle des fées vivaient derrière la cascade… le “gour des fades“… où la nature devient industrielle. 

Vue de l’Usine du Creux de l’Enfer rénovée

In Vivo, c’est avant tout réinvestir un lieu qui a su faire peau neuve et renouveler le dialogue entre l’art contemporain et le patrimoine historique. “Comme des recherches ou des examens pratiqués sur un organisme vivant”, le spectateur fait l’autopsie de ce corps brut… entre ombre et lumière… roche et rivière. C’est un espace spectaculaire qui offre aux œuvres et au regard, d’innombrables circulations et points de vue… jouant par la même occasion sur les profondeurs et les hauteurs. Toujours dans un entre-deux, le visiteur est plongé dans une expérience aussi organique que topographique… peut-être même une exploration de l’antre du diable qui s’est redessiné sur la façade. 

Faire revivre, par la matière, l’esprit du lieu et le patrimoine immatériel… les souvenirs d’un territoire. Faire parler et résonner l’espace comme des fréquences suspendues qui font écho au lit mineur de la Durolle… ses irrégularités et ses lignes multiples qui dessinent un paysage aussi graphique que musical. Plus loin, le trait est projeté sur la surface blanche du mur et sur le rocher comme une éclaboussure… une énergie sismique qui se propage à vive allure. 

Descendre… comme un voyage au cœur de la terre et capturer un rayon de soleil qui projette l’architecture en ombres délicates sur des lés de papier. Un autre rapport à l’eau et à l’Auvergne des papetiers… “goutte noire”. La finesse du papier… presque cristallin… transforme l’œuvre en permanence et offre des lectures en filigranes. C’est alors l’empreinte sédimentaire qui écrit et nous raconte une histoire ancestrale. Ou quand, plus loin, on découvre le minimalisme poétique d’une goutte d’eau qui pulse sur la peau au rythme des battements du cœur. Il y a quelque chose de presque japonais dans cette contemplation des éléments. Des microcosmes brumeux et alchimiques… aux trichoptères orfèvres… c’est dans l’infiniment petit que l’on en vient à s’émouvoir des moindres détails de la nature et ses métamorphoses magiques.

Ressurgir à l’étage… comme une source… parmi les oiseaux de passage, râpe à fromage et fragments mythologiques. Détourner et repenser les objets et les matériaux pour leur donner une vie et un sens nouveau. L’ambiance devient alors plus théâtrale… entre métaphore et surréalisme. Tout comme cette empreinte du couteau laissée sur une page… un souvenir fantomatique qui se meut en une mémoire encore vive. Comme ce papier que l’on froisse et que l’on défroisse et qui en garde toutes les traces comme les rides d’un vieillissement qui deviendrait érosion… sur la peau et comme la roche… le signe annoncé du passage irrémédiable du temps. Cette seconde peau on la retrouve dans la “grotte” du Creux de l’Enfer… où le papier aluminium marouflé épouse et fait reluire les moindres aspérités et mouvements de la roche. La forme si parfaite s’est déformée pour se plier aux contraintes du support. 

Monter encore… comme sur le pont d’un bateau sur lequel s’est posé un oiseau. Passer d’usine en usine… du Creux de l’Enfer à celle du May. Des œuvres où l’ironie se mêlent au temps… suspendu comme dans l’attente d’une action… comme ce parapluie renversé où le sable s’est déposé… ou comme ce vélo dont on peut reconstituer l’étonnante trajectoire passée. Enfin s’ouvrir à des horizons cosmiques peuplés de météorites et de compressions qui cristallisent le temps et l’espace de nos existences… une intime historicité de poussière et d’étoiles. 

Jusqu’au 8 mars 2026…

Commissariat : Anne Favier et Sophie Auger-Grappin

Artistes exposés :

Ismaïl Bahri
Hicham Berrada
Hélène Bertin
Hubert Duprat
Max Fouchy
Mona Hatoum
Ann Veronica Janssens
Stéphanie Mansy
Myriam Mihindou
Sabine Mirlesse
Jean-Baptiste Perret
Pétrel/Roumagnac (duo)
Roman Signer
Anna Solal
George Trakas

Plus d’infos : 

https://www.creuxdelenfer.fr/fr/

https://www.instagram.com/creuxdelenfer/?hl=fr