Marinette Cueco : de l’herbier au monochrome

« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » – Lavoisier

Une fleur cueillie au hasard d’une promenade, séchée et pressée entre deux pages d’un carnet en y ajoutant une belle écriture… l’herbier évoque des souvenirs d’enfance ou des grandes collections botaniques. Sur les murs de la Galerie Ceysson & Bénétière de Lyon, jusqu’au 26 juillet, les herbiers de Marinette Cueco nous invitent à changer d’échelle… en immersion totale… pénétrer dans un herbier grandeur nature !

Ici, les toiles carrées de grand format ont remplacé la page… un livre ouvert. Elles se présentent comme une série de monochromes sensoriels. Le monochrome peut s’entendre aussi bien de la couleur que de l’uniformité des essences utilisées : feuilles de consoude, feuilles de rhubarbe, pétales de roses, feuilles de molène… L’artiste, nous surprend aussi avec des blancs et verts de poireaux et des gousses d’ail. 

Le monochrome, comme l’abstraction des toiles ne sont qu’une illusion première… ce premier regard que l’on jette dans l’espace. Car si elles présentent toutes des tonalités brunes (à l’exception du rouge des pétales de roses), on en saisit rapidement les nuances. Un camaïeu de beiges et de marrons… l’oxydation irrésistible et aléatoire de la nature qui se fane et se pétrifie sur la toile pour devenir mortelle et éternelle tout à la fois. Comme un tapis de feuilles ou de pétales, il est possible de voir l’œuvre comme un ensemble mais si l’on se rapproche, on constate que chaque feuille, chaque élément végétal, a un destin singulier… une “personnalité”. Individuellement, les colorations et les formes varient. A cela s’ajoute leur agencement sur la toile comme une marqueterie qui vient créer de nouvelles strates et géométries artificielles. Des lignes et des motifs se dessinent spontanément en suivant la fibre et les contours. La nature se transforme en une sorte de kaléidoscope prompt à nous faire halluciner une nouvelle réalité. S’éloigner et se rapprocher comme aller de l’infiniment petit vers l’infiniment grand et vice versa… amène à reconsidérer en permanence ce que l’on voit et son interprétation. En biologie… ce qui peut paraître abstrait à une certaine distance ne le sera plus à une autre. Dans la nature, on se rend rapidement compte que tout a le potentiel d’être une abstraction. Tout dépend du point de vue… de la perception humaine. Ces herbiers témoignent admirablement de cette transition entre l’abstrait et le concret… de ce double regard possible…. de cet ordre mathématique et géométrique du monde physique.  

La matière végétale et son épaisseur… dans un état entre la vie et la sédimentation… offre une expérience bouleversante… une sorte de vanité qui nous rappelle le cycle des saisons comme de la vie. Comme un air de parchemins, de palimpsestes… où l’on essaie de deviner ce qui se cache en dessous ou d’imaginer un état antérieur des choses. Alors, peut-être, on pourra remonter le temps… pour un éternel recommencement… 

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